Nous croyons que des choses doivent bouger
et que l’art a sa part à jouer.

Notre manière d’habiter le théâtre-forum
Le théâtre-forum est pour nous bien plus qu’une technique :
C’est une manière de faire collectif, d’écouter le monde, et d’agir dedans.
C’est un théâtre qui naît du réel, traverse les émotions, et cherche des issues.
Un théâtre qui ne donne pas de réponses toutes faites, mais qui ouvre des chemins.
Un théâtre où l’on essaie, ensemble, de résister, de comprendre, de transformer.
Le théâtre de l'opprimé - Un théâtre pour agir
Le théâtre de l’opprimé est une méthode de théâtre participatif créée dans les années 1960-70 par le metteur en scène brésilien Augusto Boal.
Cette forme artistique naît dans un contexte de fortes luttes sociales et politiques au Brésil, marqué par les inégalités criantes, les mouvements paysans et ouvriers, et la montée d’une répression autoritaire. À partir de 1964, la dictature militaire qui s’installe transforme profondément la vie culturelle et politique du pays : la parole est censurée, les oppositions sont écrasées, et de nombreux militant·e·s, dont Augusto Boal lui-même, sont arrêté·e·s, torturé·e·s ou exilé·e·s.
Face à cette violence systémique, il développe un théâtre qui ne cherche plus seulement à représenter le monde, mais à le transformer. Inspiré par les idées de Paulo Freire (et sa pédagogie des opprimé·e·s), il crée une méthode où le public devient acteur, où les hiérarchies tombent, et où chacun·e peut expérimenter des formes de résistance.
Son postulat est simple : chacun·e d’entre nous a le pouvoir de comprendre, d’analyser et d’agir sur sa réalité. Mais pour cela, il faut des outils concrets, collectifs, accessibles. Le théâtre devient alors un terrain d’essai pour la transformation sociale, un lieu où l’on peut explorer les mécanismes d’oppression vécus au quotidien… et tenter d’y répondre ensemble.
Quand les spectateur.ice.s deviennent acteur.ice.s
Parmi les formes développées par Augusto Boal, le théâtre-forum est l’une des plus connues et puissantes. Le principe : une équipe joue une scène de conflit ou d’oppression, inspirée de situations réelles. Puis la scène est rejouée… mais cette fois, les spectateur·rice·s peuvent interrompre le jeu, monter sur scène, et proposer d’autres manières d’agir pour transformer la situation.
Ce n’est pas un débat figé, ni un théâtre figé : c’est un espace vivant, où l’on cherche ensemble.
On essaie, on rate, on recommence. On confronte les idées, les émotions, les résistances.
Le but n’est pas de trouver la solution, mais d’ouvrir le champ des possibles, de développer une pensée critique, de tester des alternatives. Et surtout : de sortir de l’impuissance.
Un outils de transformation sociale
Le théâtre de l’opprimé est avant tout un outil d’émancipation populaire. Il part de l’expérience vécue, valorise la parole de chacun·e, et invite à penser collectivement des stratégies de changement. Il s’utilise partout : dans les écoles, les entreprises, les institutions, les lieux de soin, les mouvements militants…
Ce que nous cherchons à faire, ce n’est pas “jouer pour” un public, mais jouer avec lui.
Créer un espace où l’on peut réfléchir ensemble, agir symboliquement, et peut-être, oser autrement dans la vie réelle.
Des thématiques ancrées dans le réel
Les scènes que nous jouons partent de situations concrètes, vécues, partagées. Le théâtre de l’opprimé s’intéresse à toutes les formes d’oppression, visibles ou invisibles : sexisme, racisme, validisme, homophobie, transphobie, violences policières, précarité, discriminations au travail, rapports de domination dans l’école, la famille, l’institution, ou encore violences faites aux femmes.
Nos thématiques naissent de plusieurs sources : des expériences que nous portons, des demandes ou commandes faites par des structures, des collectifs ou des institutions. Nous menons des enquêtes de terrain auprès des personnes concernées. Nous écoutons, nous recueillons leurs récits pour en extraire des scènes fidèles aux réalités vécues. C’est ainsi que nous construisons des formes théâtrales ancrées dans le réel et portées par les voix de celles et ceux qui y sont confronté·e·s.
Notre objectif : rendre visible ce qui est souvent tu, créer des espaces de réflexion partagée, et ouvrir des chemins de résistance collective.
L’importance du jeu : présence, écoute et justesse émotionnelle
Dans un spectacle de théâtre-forum, la qualité du jeu des comédien·ne·s est déterminante, tout particulièrement pendant le temps de forum. Les comédien·ne·s ne se contentent pas de réciter un texte ou de rejouer une scène : ils et elles doivent être en éveil constant, à l’écoute du public, capables de réagir avec finesse aux propositions des spectateur·rice·s qui montent sur scène.
Cela demande bien plus que de l’improvisation technique : il faut savoir sentir ce qui se passe, répondre avec justesse émotionnelle, sans caricature ni surjeu. Être capable de reconnaître l’intention derrière un geste, une hésitation, une colère, et de réagir sans écraser, sans ridiculiser, mais en rendant la situation vivante, crédible, sensible. Cela passe par l’empathie, l’écoute, le ressenti corporel autant que l’argumentation.
Un·e bon·ne comédien·ne de théâtre-forum ne joue pas contre, mais avec. Il ou elle accompagne la proposition, la met à l’épreuve, la nourrit, pour que chacun·e puisse réellement expérimenter ce que cela ferait d’agir autrement.